Le Mau Egyptien

Par Didier Hallépée

Les premiers petits félins parcourraient nos forêts il y environ 65 millions d’années. Il y a environ 12 millions d’années sont apparus les premiers chats sauvages, notamment le felis manul et le felis martelli. Le felis martelli est probablement l’ancêtre du chat sauvage européen, felis sylvestris. Le felis martelli a disparu il y a environ 1 million d’années.
Après la première glaciation (il y a 900 000 ans) est apparu le chat sauvage européen, felis sylvestris. Il habitait les immenses forêts d’Europe. Au cours de la seconde glaciation (il y a environ 600 000 ans), l’espèce s’est répandue en Asie et en Afrique.

Avec les changements climatiques, les populations félines se sont trouvées séparées et ont évolué en espèces différentes : chat sauvage d’Europe, chat sauvage Africain, chat de Chine, chat des sables, chat des marais, chat aux pieds noirs.

Ces espèces sont différentes mais partagent un pool génétique commun leur permettant de se reproduire entre eux.

Le chat sauvage africain fut d’abord attiré à proximité des habitats humains par la présence des rongeurs dont il se nourrissait. Ceci est attesté en particulier par la présence d’ossement de chats dans un site de Jéricho vieux de 9000 ans, dans un site de Chypre vieux de 7000 ans ainsi que dans un site de Harappa (vallée de l’Indus) vieux de 4000 ans.

Le silo à grain fut inventé en Egypte, il y a environ 4000 ans pour lutter contre les disettes dues aux mauvaises récoltes. D’aucuns affirment que le récit biblique de Joseph et Pharaon est l’histoire de cette invention. Le silo doit son nom au Tarbenacle de Silo (personnage biblique ayant vécu à l’époque du pharaon Shishak, 950-929 avant JC) où étaient déposés les grains offerts en offrande (Deutéronome et Exode).

Les silos ont attiré les rongeurs, et à leur suite les serpents. Le chat, qui vivait déjà à proximité des habitats humains, y trouva nourriture à profusion et s’y installa.

L’utilité du chat fut vite reconnue et il fut élevé pour ses talents de prédateur, puis domestiqué. Il s’installa alors dans les maisons et fit alors partie de la famille.

Le pharaon lui-même reconnut l’utilité du chat et voulut être le seul propriétaire de la race féline. C’est pourquoi il fut érigé en demi-dieu, il y a environ 3500 ans. Ainsi, il ne pouvait appartenir qu’à un dieu, pharaon lui-même. C’est pourquoi aujourd’hui encore en Egypte, les Mau sont appelés chats pharaoniques.

Notons que le sceptre de pharaon (« heqa ») a présente l’élégante courbe de la queue du chat.

Il fut donc vénéré sous la forme de la déesse Bastet, représentée tantôt comme sous forme de chatte, tantôt sous forme de femme à tête de chatte, tenant un sistre à la main droite et portant un ou deux anneaux d’or.

Le principal lieu de culte de Bastet fut installé à Bubastis. Les fêtes annuelles en l’honneur de Bastet, célébrées à Bubastis, attiraient de nombreux pèlerins (attesté par Hérodote). Bastet se fête toujours le 31 octobre.

Bastet, surnommée la déesse dévorante, représente d’une part le feu, la guerre, la peste, et la maladie, d’autre part le foyer, la fertilité, la sexualité et la protection des femmes enceintes et des enfants. Elle est femme et fille du dieu Râ. Le nom du chat en Égyptien, Mau désigne d’ailleurs à la fois le chat, son miaulement et la lumière. C’est une déesse à deux aspects : avec sa tête de chat, elle est Bastet, Dame de l’Est, associée à la lune (son fils Khensu est le dieu de la lune) ; avec sa tête de lionne, elle est Sekhmet, Dame de l’Ouest, associée à la lumière du soleil. Elle est également déesse du plaisir, de la musique, de la danse, de la joie. Elle est aussi l’instrument de la vengeance de Râ. Ses colères sont célèbres.

Le culte de Bastet a atteint s plus forte période de développement vers 950 avant JC. A cette époque, Bubastis devint capitale de l’Egypte

L’amour des Égyptiens pour leur chat fut exploité par le roi Perse Cambyses II lors de sa conquête de l’Egypte, à l’occasion du siège de Pelusium (525 avant JC). Selon la légende, celui-ci prit un grand nombre de chats en otage et les fit placer devant les boucliers de ses soldats. Plutot que de risquer la vie de leurs chats, les Égyptiens habitants de Pelusium se rendirent.

Devenu un animal divin symbolisant les années grasses et la fertilité, le chat a bénéficié de tous les avantages liés à son rang. Tuer un chat, même accidentellement, était un crime puni de mort. Diodore rapporte (an 1 avant JC) qu’un soldat romain ayant tué un chat, rien ne put empêcher la foule en fureur de mettre celui-ci à mort, malgré les risques de guerre avec les romains.

Les Égyptiens vénéraient leurs chats et pleuraient leur mort. A la mort de leur chat, les Egyptiens se rasaient les sourcils en signe de deuil. Les défunts chats étaient momifiés et apportés au temple de Bastet, à Bubastis. Cette pratique était encore en vigueur dans les premières années de notre ère. L’étude de ces momies a mis en évidence le jeune age de beaucoup de ces chats et la présence de fracture du cou : il semble que nombre de chats étaient élevés dans les temples spécifiquement pour être momifiés et vendus comme porte-bonheur du foyer ou comme ex-voto : l’offrande d’un chat momifié à la déesse Bastet permettait de déchaîner sur un ennemi les redoutables colères de celle-ci.

Des centaines de chats momifiés ont ainsi pu être retrouvés. C’est ainsi que les savants ont pu identifier ces premiers chats domestiques avec le felis lybica. De nombreuses momies ayant conservé leur fourrure, on sait que ceux-ci étaient généralement jaunes (bronze) et porteur de tâches noires ou parfois de rayures.

Le chat a été souvent représenté sur les bas-reliefs et sur les papyrus. Sur ces images, il est généralement jaune ou rouge. Et orné de tâches ou dépourvu de motifs. Des scènes de chasse permettent de supposer qu’il était dressé à la chasse aux oiseaux.

Les Égyptiens considéraient leurs chats comme un bien précieux et un animal sacré. C’est pourquoi des règlements stricts en interdisaient l’importation.

Certains d’entre eux furent très tôt utilisés sur les navires Égyptiens exportant du blé.

Les phéniciens furent les premiers à exporter illégalement le chat, vers 900 avant JC. Ainsi, ils l’introduirent en Galilée, en Grèce, en Italie. Petit à petit, le chat domestique se répandit ainsi dans toute l’Europe et le Moyen-Orient.

Le Chat moderne
Au début du XXème siècle, L’Italie était peuplée des descendants des chats d’Egypte. Selon les descriptions, grand nombre d’entre eux étaient des chats à robe mouchetée ressemblant aux chats des pharaons.

Avec la seconde guerre mondiale, beaucoup de chats périrent en Italie, et les descendants directs des chats pharaoniques en ont pratiquement disparu. Cependant, on peut encore parfois trouver des chats de maison mouchetés en Italie, et même, dit-on, en Provence. Dans le film ‘Le hussard sur le toit’ (1994 – Jean-Paul Rappeneau), le héros félin présente toutes les caractéristiques d’un Mau bronze.

De même, en Afrique du Nord, le chat brun moucheté de noir semble encore assez répandu. Des chats des rues ayant l’apparence du Mau bronze sont signalés jusqu’au Maroc.

Nathalie Troubetzkoï était une princesse Russe exilée que les hasards de la vie avaient menée à s’installer à Rome. Nathalie était une véritable amoureuse des chats. Un jour, un petit garçon lui amena un chaton dans une boîte en carton. La beauté inhabituelle de ce chaton la conquit immédiatement. Le chaton fut nommé Ludivine et surnommé Ludol et Lulu. Lulu était d’une belle couleur argent avec des tâches noires. La princesse remarqua que la boîte dans laquelle le chaton lui avait été amené venait d’Egypte. C’est ainsi qu’elle déduit l’origine de ce merveilleux chat. Elle eut vite compris qu’elle était tombée sur un descendant des chats de Pharaon.

Elle mit en branle ses nombreux amis pour lui trouver un autre chat de ce type afin de pouvoir avoir des chatons de même type. Des amis lui trouvèrent Gregorio, un mâle noir de 11 ans issu d’une famille mouchetée. Son ami, l’ambassadeur de Syrie lui ramena un authentique sujet du proche Orient, Geppa, un mâle black smoke.

Lulu et Geppa donnèrent bientôt naissance à leur première portée (1953) qui était également mouchetée comme ses parents. Parmi ceux-ci, Nathalie Troubetzkoï conserva une petite femelle silver, Baba. Puis, Grégorio fit à Baba de magnifiques chatons également mouchetés (1953), avec parmi eux un chat d’une nouvelle couleur, Jojo, un bronze.

Nathalie Troubetzkoï commença à faire connaître ses chats en Italie et continua à les faire se reproduire. Liza (ou Donna Lisa) fut présentée en concours à Rome en 1955.

En 1956, elle fut enfin autorisée à émigrer aux Etats-Unis. Ne pouvant emmener tous ses chats, elle dut n’en choisir que 3 d’entre eux et trouva un foyer pour les autres. C’est ainsi que Baba, Jojo et Liza partirent à la conquête des Etats-Unis.

Une fois installée, Nathalie Troubetzkoï continua à œuvrer pour faire connaître les chats d’Egypte, les exposer et les faire reconnaître en tant que race sous le nom de Mau Égyptien. Elle créa son élevage sous le nom de chatterie de Fatima. En 1957 Baba fut la première de la race à être couronnée championne.

Tous les Mau Égyptiens d’élevage descendent de ces premiers sujets.